RAYNALD DENOUEIX
Avant de prendre la succession de Jean-Claude Suaudeau à la tête du F.C. Nantes-Atlantique au début de la saison 97/98, M. Denoueix s'occupait de la formation des jeunes footballeurs nantais et avait la responsabilité de l'équipe réserve. Il a suivi Patrice dès son arrivée à la Jonelière en 1985 et a été partie prenante de son éclosion au plus haut niveau. Dépositeur du jeu et de la formation "à la Nantaise", il a en outre été déterminant dans son maintien au sein de l'effectif professionnel lorsque l'entraîneur croate Miroslav Blazevic dirigeait l'équipe première. Si son nom est à jamais lié à au Football Club de Nantes, il entraîna le club basque de la Real Sociedad en "Liga" espagnole de 2002 à 2004, manquant le titre d'un souffle face aux "Galactiques" du Real Madrid lors de sa première saison. Discret et rigoureux, Raynald Denoueix est un immense Monsieur du football français.
Entretien réalisé en février 1999
Quand et comment avez-vous recruté Patrice Loko au F.C. Nantes ? Évoluait-il déjà dans le registre que l’on connaît, ou est-ce qu’au F.C. Nantes, on « façonne » le joueur au besoin du club.
Pat est arrivé au club il y a une quinzaine d’année, en même temps que Jean-Michel Ferri et Franck Gava. On en a pris deux sur les trois. On s’est juste trompé concernant Gava, qui nous plaisait bien, mais que l’on trouvait juste physiquement. Quant à savoir pourquoi on a recruté Pat, c’est simplement que les qualités qu’on lui connaît, il les avait déjà. Il avait déjà la même intelligence de jeu, la même disponibilité, le même sens du collectif. Les progrès qu’il a pu faire chez nous ont surtout été d’ordre physique.
Comment définiriez-vous le style de jeu de Patrice ? Comment est-il le meilleur selon vous ? Est-ce que la complémentarité avec Nicolas Ouedec était réelle et comment se manifestait-elle sur le terrain ?
Ce n’est pas un attaquant spécifiquement axial, mais un joueur d’espaces. Il attaque tous azimuts, autour et dans la surface. Il va sans cesse décrocher, permuter, entraîner un ou plusieurs défenseurs avec lui. Il est toujours en mouvement. Nico lui est davantage un avant-centre classique, évoluant davantage dans une position axiale. Chez nous, Patrice tournait autour de Nico, créait des fausses pistes pour le libérer de son marquage, et à l’inverse, celui-ci servait d’appui à Pat. C’est pour cela qu’ils étaient chez nous, et sont toujours, très complémentaires. Ils se sont toujours bien entendus ensemble sur un terrain.
Le rôle qu’il a pu tenir à Nantes semble assez diffèrent de celui qu’il avait au P.S.G. et plus encore en équipe de France. Pensez-vous qu’il a été utilisé au mieux de ses capacités depuis son départ du F.C.N.A. ? Pensez-vous qu’il aurait pu apporter davantage à ses équipes avec un véritable avant-centre à son côté, comme on a pu lire ici ou là ?
Ce n’est pas à moi à répondre à ce genre de question, pour la bonne et simple raison que je ne suis pas à la place des autres entraîneurs qu’il a pu avoir. Néanmoins, s’il s’agit spécifiquement du cas de Pat’, c’est vrai que son style s’accommode très bien d’un autre attaquant à son côté, car lorsqu’il évolue seul, son rôle est de créer des brèches dans la défense adverse pour ses équipiers, mais lui n’a pas vraiment d’appui dans la surface ou directement près de lui.
On parle souvent d’un avant-centre qui se « planque », qu’on ne voit pas du match et qui va marquer à la moindre occasion ; Pat n’est pas du tout ce style de joueur. C’est quelqu’un de très collectif, il a besoin de participer au jeu, il a besoin de l’équipe pour s’exprimer, mais j’ajouterai qu’une équipe a besoin, nous avons besoin et le football en général a besoin de ce type de joueur.
On entend aussi souvent de la difficulté des joueurs formés au F.C.N.A. d’évoluer dans d’autres clubs… Est-ce que cela vous semble être une réalité ? Si oui, pouvez-vous l’expliquer ?
Ça voudrait dire que le football que nous pratiquons est différent de celui des autres ? Ça ne tient pas. Le football qui se joue au F.C. Nantes n’est pas très différent de celui que l’on peut trouver à Madrid ou à Paris. Les principes sont identiques.
À l’Ajax, l’idée est peut-être davantage : « On forme des joueurs pour nous avant tout, et puis advienne que pourra ensuite » mais à Nantes, on essaye plutôt de former, donc de donner une bonne intelligence de jeu qui puisse leur permettre de s’exprimer partout… Concernant l’interprétation de la réussite ou non de nos joueurs hors de Nantes, ce sont des clichés ; une fois que le pli est pris, il est difficile de se débarrasser de ce type d’image…
Nous développons un jeu basé sur le collectif où l’équipe est tributaire des attaquants qui sont à la finalisation des actions, mais où eux sont également tributaires de leurs partenaires. Il y a d’autres clubs qui vont davantage compter sur un ou deux joueurs pour faire seuls la différence. Les garçons qui sortent de chez nous ont un rendement en phase avec celui de leur équipe. C’est un peu ce qui nous caractérise.
Peut-on dire qu’un joueur qui marque beaucoup de buts une saison et qui ne marque plus la saison d’après est subitement devenu mauvais ? A-t-il perdu des qualités qu’il a depuis toujours ? Je ne crois pas que l’on doive spécifiquement mettre le problème uniquement sur le joueur.
Dans le détail, on pourrait regarder quels joueurs et pourquoi ils n’ont pas vraiment réussi hors de chez nous… Et puis est-ce que tous les joueurs qui viennent d’Auxerre ou de Cannes réussissent ailleurs ? Comme je le disais tout à l’heure, c’est un cliché qu’utilisent les médias, mais dans la réalité, ça ne se passe pas comme cela.